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Pour la promotion du film Le Royaume, Jennifer a participé à pas mal d'interview. En voici un pour le site TV8.

Elle est maquillée comme une star de ciné et se tient assise bien droite dans une chambre d'hôtel bâlois transformée en salon où l'on cause. Actrice belle à se damner, Jennifer Garner paraît plus menue que par écran interposé (mais c'est la règle). Son actualité? Le Royaume, solide film d'action dont on se demande encore s'il questionne ou cautionne l'interventionnisme américain au Moyen-Orient (intéressante ambiguïté). L'arme de Jennifer? Une féminine assurance, aux antipodes de la mâchoire saillante de Sidney Bristow, héroïne de la série Alias qui l'a rendue célèbre.

Dans "Alias", Sidney Bristow était une femme forte; Janet Mayes, le personnage que vous incarnez dans "Le royaume", est une femme forte. Etes-vous une femme forte? Je ne suis pas aussi forte que ces deux-là, effectivement, mais je le suis un peu. Vous savez, il n'y a pas de secrets. Lorsque vous incarnez un même personnage pendant cinq ans, on est forcément influencé par le rôle. Surtout lorsqu'il est aussi bon.

Et d'où la tirez-vous, cette force? Je crois que j'ai bénéficié d'une enfance plutôt stable. Je suis également une personne assez chanceuse. Rien de vraiment important n'est jamais venu saper ma confiance. Et les quelques fois où des événements auraient pu amoindrir cette force, j'ai pu… J'ai eu de la chance.

Quel regard jetez-vous sur la transition de votre carrière de la télévision vers le cinéma? Télévision, cinéma… Je n'ai jamais vraiment hiérarchisé. Pour moi, un job reste un job, d'où qu'il vienne. Avoir travaillé pour la télévision ne m'a pas rendue snob, le cinéma non plus. J'ai aimé faire Alias. J'en étais fière. Et quand cela s'est terminé, aussi triste que j'aie pu être – et croyez-moi, voir cette aventure se terminer m'a désolée – je me suis dit: "OK, le moment est venu de bouger et de faire autre chose." Ce fut une transition très naturelle et très facile.

La télévision, c'est donc de l'histoire ancienne? Je n'ai pas pour l'instant de projets en ce domaine car faire des séries peut être professionnellement très contraignant. Je ne pense donc pas remettre un pied dans la porte tout de suite. Mais un jour, qui sait?

Dans quelle série télé vous verriez-vous bien invitée? (Elle réfléchit.) Je crois que j'aimerais apparaître dans Extras de et avec Ricky Gervais. (Ndlr: cette série anglaise qui en est déjà à sa deuxième saison égratigne le milieu du cinéma avec la complicité de nombreuses vedettes. Ricky Gervais a été sacré "roi de la comédie britannique" depuis le succès de "The Office".)

"Elektra", le premier film dans lequel vous avez tenu le rôle principal, ne peut guère être qualifié de divertissement haut de gamme. Cela a-t-il freiné votre carrière au cinéma? Voyons comment je peux répondre à cela: ce n'est pas un film qui a évolué comme je l'aurais souhaité. Mais je m'étais contractuellement engagée, et je m'y suis investie pour qu'il soit aussi bon que possible. Cela a-t-il ralenti ma carrière? Vous savez, c'était une sorte d'entracte. Je ne crois pas qu'il ait pu me nuire, car j'ai l'impression d'avoir pu faire ensuite tout ce que je souhaitais. Les offres n'ont cessé d'affluer. Mon prochain film (Juno de Jason Reitman) sort aux Etats-Unis en décembre. Mais je suis désolée que vous ne l'ayez pas aimé (sourire).

Comment vous sentez-vous en tant qu'Américaine depuis le 11 septembre 2001? Le monde a changé. Et bien sûr, l'attitude américaine aussi. Cela a été difficile d'observer notre gouvernement lutter, surtout au regard du monde. On a le sentiment d'avoir perdu le respect de l'extérieur, et c'est frustrant. Surtout pour tous ceux qui ont désapprouvé la politique mise en place par la Maison-Blanche. Mais vous savez, vous pouvez soit en tirer une grande frustration, soit vivre avec, parce que, de toute façon, vous ne pouvez pas y faire grand-chose. Donc, autant se faire entendre quand on vous en donne l'occasion et voter en fonction de ses convictions.

Dans ce contexte, comment "Le Royaume" est-il venu à vous? En fait, je connaissais déjà Peter Berg, car il a été un des réalisateurs invités d'Alias (deux épisodes). Il m'a ensuite proposé le projet. Lorsque je me suis rendu compte que c'était encore un film d'action, j'ai songé à ne pas donner suite. Et puis j'ai relu le scénario – Peter a insisté – et je me suis aperçue qu'il était beaucoup plus complexe et intelligent qu'il n'en avait l'air. J'ai aimé que ce ne soit pas juste l'histoire d'Américains qui partent faire le ménage en Arabie.

Votre personnage a toujours une sucette à la bouche. Est-ce parce qu'il vient d'arrêter de fumer? Non, cela vient du fait que j'ai passé du temps avec des agentes du FBI. Je leur ai demandé ce qu'elles avaient généralement dans leur poche. L’une d'entre elles m'a dit qu'elle avait toujours des sucreries pour les cas de grand stress. Cela m'a aidée.

Lors du tournage, la situation au Moyen-Orient a-t-elle provoqué un débat au sein de l'équipe? Il fallait d'abord se concentrer sur le travail; mais oui, il y a eu débat. Les émotions nées sur le plateau ont conduit naturellement à des discussions. Et puis nous avions aussi un représentant d'Arabie saoudite présent en permanence, et nous ne cessions de l'interpeller. Enfin, il y avait près de 200 figurants de religions diverses et venant de différents pays du Moyen-Orient. Cela aurait pu créer des tensions, mais tous ont bien compris que l'un des objectifs principaux de ce film était de casser les stéréotypes.

Quel est votre état d'esprit après ce tournage? Il est possible que le film laisse une impression pessimiste face au cercle vicieux de la violence, mais je tire de cette expérience que les choses qui nous rassemblent sont plus fortes que celles qui nous divisent

. Plusieurs longs métrages de fiction anti-Bush semblent sortir en même temps. Un hasard? Je crois que la politique de Bush a été contestée depuis pas mal de temps déjà. Particulièrement en Californie. Mais faire un film prend du temps. Cela explique le décalage et cette avalanche. Elle est déclenchée par un groupe d'artistes insatisfaits et qui veulent montrer une autre facette de l'opinion américaine.

Propos recueillis par Jean-Charles Canet

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